par Mélanie Bizier
j’ai changé de règne
sans permission
voilà végétale
je cherche encore
mon groupe
*
au loin
dans l’abri-bus
cinq filles s’esclaffent
sous le soleil de novembre
serre bruyante et parfumée
*
mon lit est trop moelleux
pour bâtir une vie sociale
sinon je serais populaire
c’est sûr
en attendant
je jase au plafond
enveloppée de coton
*
la pensée humaine est une tare
je préfère la photosynthèse
je pourrais être radiologiste
ça me ressemble
*
météomédia proclame
une journée pluvieuse
je suis une plante ravie
en attendant
je bois du jus vert
étire mes orteils racines
*
il est où Garry
parfait majordome
discret et élégant
j’ai juste un père
qui veut jaser
et tout et tout
*
j’ai reçu un texto l’autre jour
photo de forêt
je me suis sentie comprise
c’était une erreur
*
si j’avais encore une mère
je m’accrocherais à son cou
tutrice droite et fière
en attendant
je courbe le dos
*
je suis un ornement
citrouille d’Halloween
sapin de Noël
morte sans consentement
parure de la maison
je finirai au compost lundi
dans une odeur de cannelle
*
90% des aliments mondiaux
proviennent de trente plantes
les autres ont gagné la paix
j’hésite entre utile et tranquille
au fond personne
ne me pose la question
*
je fais la vaisselle je m’applique
mes mains meurent asphyxiées
l’eau trop chaude trop propre
je m’abîme en secret
*
demain je sortirai
vous rejoindre
j’humerai vos odeurs
si intenses
j’ignorerai cet irritant
pour mission
nous retrouver
en points communs
avant que ne gèle la terre
.
[Mélanie Bizier vit à Sherbrooke. Poète, militante et psychologue, elle explore les contrastes entre la beauté et la souffrance. Elle a publié ses textes dans les revues Nyx, Ancrages, Cavale, Le Crachoir de Flaubert et Caractère. D’autres paraîtront prochainement chez L’Écrit primal et Moebius (numéro 174). En 2021, elle remporte le Grand Prix de la Fabrique culturelle des Correspondances d’Eastman. Cela étant dit, elle est beaucoup moins sérieuse que sa notice biographique.]