par Thomas Pourchayre
I.
une plume
sur le plancher lino d’un ascenseur
cherche à s’envoler sans oiseau
Quel étage ?
Cette plume, continue le liftier en catimini au seul passager
est tombée du manteau de la dame avec le pingouin en laisse
II.
le passager enfoui
sous l’édredon garni de plumes d’ascenseur volées
ses pensées sur la banquise
sa main caresse
caresse le corps insensé mort de la dame
sans laisser aucune trace
du lit à l’appui d’un dernier soupir
elle se lève
et tire droit fouraille dans la penderie
saisit la laisse le pingouin laissés là
souvenir d’un voyage de noce un peu froid
lui avait-elle confessé
j’y ai laissé des plumes
et elle le quitte
porte béante
bourrasque d’un vent glacial
qui pousse les rideaux de velours pourpre
III.
Il faut impérativement
que je reprenne le travail,
solennise le liftier
Permettez… il entre s’avance
J’en ai pour un instant il ajoute encore, pliant le genou pour s’emparer d’une plume
qui se frayait discrètement un passage
Merci. entre les coutures de la couette.
Adieu.
IV.
Il s’en faut d’une plume
et tout est frigorifié en dessous
se dit le passager
ouste!
le passager descend l’escalier ascenseur en panne liftier évanoui
les murs couverts de salpêtre la rampe poussiéreuse
le rez-de-chaussée le souvenir parfumé, couvé
dans la rue sous la pluie
envahi par le sentiment
d’avoir été plumé de toute une couette
V.
des kilomètres plus loin
une plume les barbes affleurant une flaque
égayée d’un arc en ciel léger
d’huile de vidange
l’idée l’effleure
mais non
rien à voir
et d’une, je la reconnaitrais!
et de deux, celle-ci n’a jamais connu d’ascenseur
à quoi bon une plume
définitivement atteinte de pesanteur?
VI.
il passe son chemin
sans ciller
sans oiseau sans ascenseur
sans couette sans lui
le vent
juste le vent glacial
se lève
dans son dos
et il emporte facile la plume
très haut dans les nuages
[Thomas Pourchayre vit à Lyon. Son cœur d’écriture balance entre kilo de plumes et kilo de plomb. Ses textes, poésies et nouvelles, sont régulièrement publiés en revues. www.loeilcrie.fr]