par Amartya Bhattacharyya
[trad. du bengali par Nina Cabanau]
Sur ta poitrine
ils érigent des villas
dans la chair de ton corps
ils creusent un cimetière
ils enduisent leurs langues
dans le faste de cocktails
toi tu tresses des colliers de fleurs de Champa
les offres-tu au temple?
envoûtes-tu le sable vêtue d’un bikini?
quoi que tu fasses, eux s’indiffèrent
et l’enfant abandonné
absorbe la poussière ordinaire
à chacune de ses foulées sur terre
il n’a ni bâton, ni cerf-volant, ni joie
ni pétard dispersé dans le regard
de tes fleurs, non plus il ne veut pas
il reste assis espérant t’apercevoir
l’enfant nu. Il devient fou
et toi tu n’as pas l’amour d’une mère
l’ardeur de qui pourrait l’aimer
tu n’as pas la candeur du riz
ni la cadence des chansons de ce pays
nature, et je devrais t’aimer!
mais vois comme enfant est ignorant!
il te cherche éperdument
dans le gisement de minerai
l’histoire a échoué à l’aimer
c’est pourquoi seule une ville
a su prendre dans ses bras
l’enfant nu.
***
[Amartya Bhattacharyya est l’une des étoiles montantes du cinéma d’auteur indépendant indien. Poète surréaliste, polyglotte (bengali, oriya, anglais), il s’implique à tous les degrés de la conception de ses films. Il a publié deux recueils de poésie, inédits en français. Il a reçu le Silver Lotus aux National Film Awards indiens en 2016 et participe régulièrement à de nombreux festivals internationaux. Engagé dans la société civile, son film Mercy of God retrace par exemple la catastrophe du cyclone Fani dans l’État de l’Odisha.
Nina Cabanau est diplômée de l’INALCO (bengali, hindi) et de l’ISIT (traduction). Son vœu le plus cher est de partager sa passion pour les idiomes invisibilisés face au globish. Amoureuse de la langue bengalie, elle traduit des oeuvres poétiques (Amartya Bhattacharyya, Sukanta Bhattacharyya, Kazi Nazrul Islam) du bengali au français. Elle se passionne aussi pour le cinéma et d’autres formes d’écriture (chanson, théâtre, roman).]