La Vertèbre

par Julien Chauffour

La vertèbre, sagement alignée avec les autres

Tout est en place

Dans la tour de guet.

 

Le système s’énerve un peu.

 

Les clés de la cage thoracique, jetées à la poubelle : plus besoin de visiter ce lieu. Les prisonniers ne sortiront pas.

 

Fermeture de la boîte crânienne pour cause de ménage printanier. On demande un balayeur et un scaphandrier.

 

Puis je m’en vais. Que tu sois bien et heureux. Que tu sois libre de souffrance et en paix. Que tu sois en sécurité, en bonne santé et en vie.

 

Car il va falloir se passer de moi.

 

Il a bien servi. Il a fait son temps. Étrange colocataire.

 

Un jour, un instant, ce qu’il reste à vivre, il cessera son jeu. Quittera la salle d’attente (il adorait attendre). Le tribunal, où il passait tant de temps, fermera ses portes (il aimait porter plainte, argumenter, juger les torts et les raisons).

 

Le feu à la cave brûlera toujours le même bois.

Il sera fatigué. Lassé de lécher ses blessures au parfum de fraise.

Même les chambres d’amis, il devra en sortir.

 

Il essaiera de m’emmener avec lui.

 

Le laisser partir.

Pour quelques secondes. Une année. Ce qu’il reste à vivre.

 

Être seul à la maison.

 

[Comme étudiant, Julien Chauffour travaille sur la satire et la presse à l’Université du Québec à Rimouski, dans l’espoir d’y obtenir un doctorat. Comme écrivain, il a publié un essai et quelques nouvelles oniriques, merveilleuses et d’anticipation, et le nid est encore plein d’œufs. Comme poète, il écrit pour ce qui respire.]