La société des loisirs confinés

par Marise Belletête

tu voulais être diverti
pour pas cher 

je nous ai portés dans la baignoire 
voir nos ombres

comme des doigts flétrir 

si ce n’est pas un spectacle 
toute cette eau entraînée
en captivité
à faire la morte

*

demain tu me couperas

pour connaître l’âge 
des glaciers

au milieu de la chambre
doucement

l’inventaire
des transparences
en transit

tu trouveras 

tout juste 
nos vieux
jours

à regarder 
la clarté guérir

*

c’est comment la beauté chez toi? 

reste une pomme
un morceau d’ombre dans le coin droit du réfrigérateur
naissance d’un bébé trou noir

qui se réinvente

*

on disparaitra encore après
les oiseaux y ont pris goût

trouver les indices de retour à la normale

les champignons vénéneux et les colibris 
dans nos poumons d’obsolescence programmée 

le décompte reste en suspens

une odeur de javel qui ne part pas

*

on pourrait encore fumer 
sur des balcons aux spasmes d’ennui
toucher du bois
s’obstiner sur la couleur des maladies 
qu’on attrape 
pour passer le temps

il n’y aura plus de neige 
quand on sortira le titre du poème

***

[Marise Belletête est titulaire d’un doctorat en Lettres et création littéraire à l’Université du Québec à Rimouski, où elle est aussi chargée de cours. Son premier roman, L’haleine de la Carabosse, est paru en 2014 aux éditions Triptyque. Elle a également publié plusieurs textes en revue (Moebius, XYZ et Exit).]