par Franny Choi
[trad. de l’anglais par
Leila Alfaro & Gabriel Kunst]
Il n’y a qu’un certain nombre d’univers parallèles
qui nous concernent. Dans l’un d’eux, il n’est pas mort.
Dans un autre, tu bois la lumière avec tes mains tout au
long de l’hiver. Il y a un univers où personne n’est vidé,
étendu dans la rue pendant que la station d’essence brûle,
un univers où nos mères n’ont pas appris à envelopper
leurs os dans chaque petit deuil qu’elles ont trouvé.
Il y a un univers où il n’y a aucune différence
entre le passé et le sol. Un autre où
les océans attirent la lune. Et ainsi de suite.
—–Il s’agit d’une liste incomplète. Elle a été abrégée
pour te faciliter la vie. ——–Je pourrais te parler
des nombreux univers où des malheurs arrivent
à d’autres gens qu’aux gens que tu aimes. Oui,
dans une autre vie, c’est la sœur de quelqu’un d’autre
qui monte sur le toit ce soir-là. Dans une autre vie,
les garçons s’élèvent obscurément de l’asphalte pour
étouffer les engrenages des vélos, et personne n’accouche
enchaîné·e à un lit d’hôpital, et aucun·e enfant bleui·e
ne s’échoue sur la plage. Tu peux avoir ces mondes-là.
Tu peux les réchauffer entre tes mains la nuit. Mais saches
qu’en les acceptant, tu acceptes aussi d’être responsable
de l’univers où les océans rouges brillent, celui où ce que
l’on nomme ombre bat au rythme du musc des
sabots, et surtout, celui où les humains existent,
mais seulement dans les cauchemars des petits
enfants. Tiendras-tu aussi celui-là dans tes mains?
La version de l’histoire qui n’a jamais appris
à prendre en compte le bruit? et celle où le bruit
est le seul antonyme du métal? et celle
où le bruit du métal ne suffit jamais à
———–faire taire les morts?
***
[Franny Choi est l’autrice de deux recueils de poésie, Soft Science (Alice James Books) et Floating, Brilliant, Gone (Write Bloody Publishing). Elle est diplômée du Helen Zell Writers Program de l’Université du Michigan. Elle est présentement boursière Gaius Charles Bolin en études anglaises au Williams College, au Massachussetts.]