par Cédric Trahan
nées d’une désarticulation,
d’une érosion, d’une fracture,
elles survivent à l’engloutissement
de ce qui les retenait
– Gilles Deleuze
I
doux bris de braise
les feux de camp craquent
les épis fondent langues
sur langues et la chaleur
tu caches
le crépuscule se couche
à deux draps
de la baignade
les cheveux de sable frisés
tu es un bric-à-brac
d’argile de limon
et tandis que tu te laves
ton arrivée en quai hier
une histoire traversière
la tienne qui n’a rien
de montréal à perdre
céder une île pour
un archipel
le grès délicat
comme une érosion
t’accueille ici
vers une falaise
de bras ouverts
II
les perséides tombent
à genoux près de la tente
un sleeping bag
de trop ou de moins
j’ai dit hier
c’est-à-dire je ne sais plus
les journées se faufilent
en semaine et j’en suis
le mouvement
peut-être
et peut-être bien
je suis là juste là
quand tu soignes
un roadtrip
de force
III
une lucarne
éclaire le partage
des lits et les ronflements
de la lumière parce que sous toi
tu sais il y a
plus qu’un point
de départ
tu ris les plages
portent des noms d’enfants
mais les tiens sûrement
huit mains
sur le poêle l’eau bout
un thé résilie ton bail
tu ne sais plus où dire
l’intimité de
tes vêtements mouillés
à la corne sous les talons
et moi non plus
mais ce sera bientôt
te compter parmi
ce que les îles
vivent ensemble
de tendresse
[Cofondateur de la revue Saturne, Cédric Trahan aspire à écrire les mots doux dans les biscuits de fortune et à apprendre les secrets de l’alchimie éditoriale. Il est chroniqueur culturel pour Les Méconnus, jeune programmateur à la Maison de la littérature de Québec et photographe indépendant.]