par Audrey-Anne Marchand
ton corps absent éclabousse de choses fragiles
fatiguée de nourrir quoi que ce soit qui fasse mal
je fabrique des noyades jusqu’à la prochaine clarté
travaille ce qu’il y a de facile dans le verbe mourir
l’une des partitions à laquelle on ne changera rien
je prends l’eau comme la nécessité des habitudes
le silence comme un millier de bêtes qui dorment
il me reste des bruits à soigner en terrain fragile
au cas où il y aurait trop de berceuses à panser
il n’est pas question que je sache respirer mieux
quand il fera assez clair pour échapper au calme
on fera comme si le désordre était un état limite
même s’il n’y a jamais eu assez d’espace pour l’usure
à corps perdu dans l’anarchie de ce qui n’est plus
je répète en boucle mourir est un animal blessé
ce qui arrive chaque jour ne laisse aucune trace
personne ne m’avait dit le noir et ses bêtes
ce que j’imagine être ma vie à l’imparfait
quelque chose fait mal qui ressemble à l’absence
je m’accroche encore à n’importe quelle lumière
du jour où tes os n’auraient rien à dire de la beauté
il ne reste qu’une boîte remplie de choses inutiles
des mots pour reprendre ton image à la mort
je m’imagine des paysages dans la transparence
aucune histoire n’est à l’abri de ce qui s’annonce
je m’explique insupportablement les murs blancs
la clarté ne tolère que la plus légère catastrophe
tu mourais presque toujours par les fenêtres ouvertes
mais tout s’inscrit maintenant dans l’approximatif
toutes ces équations ne servent plus à rien
[Audrey-Anne Marchand est née en 1991 à Longueuil. Elle remporte en 2010 la mention du prix Piché pour sa suite Je dis non aux histoires sans fin, conséquemment publiée aux Écrits des Forges. Elle publie en 2014 Le Carnet vide aux Éditions Fond’tonne. Après des études de maîtrise en création littéraire à l’Université McGill, elle se consacre maintenant à l’écriture d’un second recueil, Jusqu’à réussir le négatif.]