3 poèmes

par Clément Dandélion

I

Ici, tout est passé
Les aubes sont navrantes
Et vrai, j’ai trop fourré 
De pailles dans mes narines
Arthur
Ici, les soleils crissent 
À l’envers des rideaux
On a tiré la nuit
Jusqu’à la
Déchirure
Ici, la musique meurt
Dans des oreilles de gouffre
Et tous les yeux sont vides
Au bout des bouches tendues
Ici, il y a toujours
Un four et une assiette
Arthur
Des solacements faciles
Pour les enfants qui
Cherchent
Et je suis mort
Souvent
Au début des semaines
Et j’ai beaucoup
Maudit
Les matins
Et les peines
Arthur
Mon cœur a trop bavé
Dans des océans sales
Je suis poisseux
Comme un orage
Qui danse
J’ai peur
Mais j’avance
Fébrile
Toujours
Quand
Couvert de
Glaires
Je remonte
En souriant
Des courants
Excités
De gobie
Je passe à tigre
Puis ver
Et demi-dieu
J’ai tout un corps
Immense
Pour jouir
Encore
Du crépuscule
Vibrant
Je m’évapore
En durcissant
Le long d’un verre
Ou d’un sachet
Arthur
La gorge
Ouverte
Aux vents mauvais
Les dents qui craquent
En dévorant la Lune.

II

Tu dis Charles 
Qu’il suffit 
De baiser 
Un tas 
De femmes 
Et de boire 
La bière 
Tu dis 
Plus de bière 
Encore 
Qu’il suffit 
D’aller aux courses 
Et de gagner 
Parfois 
D’écouter Brahms 
En tapant fort 
Sur la machine 
Comme Hemingway  
Et les pesants 
Seuls 
Mais victorieux 
Côtoyer 
Le chemin des fous 
Et la bière 
Et moi 
Toujours mauvais poète 
J’ai tout fait 
Consciencieusement
Les femmes et taper fort
Et tant et plus 
Je me suis appliqué 
Charles 
Mais 
Les petites pièces 
C’est trop pour moi 
J’entends grogner 
Dehors 
La nuit immense 
Qui s’étire 
Et me lèche 
Le ventre 
Comme 
Une amphétamine 
Je m’agite 
C’est du feu 
Dans mes mains 
Bras jambes 
Et j’enfile 
Mes plus belles grimaces 
Je cours 
Charles 
De fête en fête 
J’écrase 
Entre deux verres 
L’angoisse 
Des jours qui fondent 
Un soleil 
Pour fourrer l’autre 
Et la poussière 
Partout 
La bière devenue 
Pâte 
Et moi 
Qui m’effrite 
Également 
Regarde Charles 
Comme 
Je danse 
Sur les cendres 
Brûlantes 
De mes chairs consumées 
J’ai 10 000 ans déjà 
Et je ne crois pas 
Pouvoir 
Me battre encore 
Pour oublier l’oubli 
Charles 
Je voudrais bien 
Crever 
Avec un sourire bright 
Et un cocktail sucré 
Le long des mers du Sud 
Mais 
Pas tellement  
À la lampe 
Électrique 
En n’ayant 
Rien fait d’autre 
Que de creuser 
Seulement. 

III

Dis-moi des choses 
Michel 
Murmure-moi à l’oreille 
Comment 
Les femmes 
L’été 
Se couchent 
Lascives 
À la lueur des girandoles 
Parle-moi 
Michel 
Des oisifs sur la plage 
Et des hommes bedonnants 
Qui achètent 
En Thaïlande 
L’amour des jeunes filles 
Je veux savoir 
Michel 
Les sexes tristes 
Qui pendouillent 
Tristement 
Les cadres supérieurs 
Aux ambitions médiocres 
Et leurs épouses 
Ennuyées  
Les bombes 
Et l’angoisse 
Terrible 
Du soleil et du sable 
De la nuit 
Qui toujours est 
Pareille 
Poisseuse 
Et du poète 
Qui frétille 
De la queue 
En compagnie des chiens 
Sur la pop  
De Bertrand Burgalat 
Danser seul 
Au rythme 
Des 
Basses insolentes 
D’un petit au revoir 
Au milieu des souffrances.

 

[Puisant son inspiration aussi bien dans la prosodie classique que dans le rap ou l’ero-guro, Clément Dandélion propose des textes crus et organiques qui parlent de choses simples de façon compliquée. Après béton furie., en accès libre sur betonfurie.tumblr.com, il prépare actuellement un second recueil bientôt disponible en fanzine.]